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VI

L’intersigne des « bœufs »


Ceci se passait un peu avant la « Grande Révolution. » Je le tiens de ma mère, qui avait seize ans à l’époque, et qui n’a jamais menti.

Elle était vachère dans une ferme de Briec. Je ne saurais vous dire au juste le nom de la ferme, mais elle devait être située quelque part aux alentours de la Plaine[1]. Il me souvient que le maître s’appelait Youenn (Yves). C’était un brave homme, et, qui plus est, un homme savant. Il avait étudié au collège de Pont-Croix, pour être prêtre. Mais il avait préféré revenir au labour, sans doute parce qu’il ne se sentait pas la vocation. Il n’avait pas désappris toutefois ce qui lui avait été enseigné au temps de sa jeunesse, et on le vénérait dans le pays, attendu qu’il savait lire dans toute espèce de livres. On disait même qu’il était

  1. La Plaine, « ar Blénenn, » est le nom sous lequel on désigne un vaste plateau marécageux, entre Briec et Pleyben. J’ai traversé cette triste région. Il m’en est resté une impression poignante de mélancolie et de solitude. Cela ressemble à une Camargue sans soleil. Rien que des champs de joncs où dorment, çà et là, des mares lugubres.