Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/152

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Le vieux Marco était étendu tout de son long, immobile. Sa figure était creusée par la maladie. Je pensai en moi-même : « Celui-ci a presque pris sa tête de mort. » Néanmoins je lui fis mine riante, je le plaisantai, comme c’est l’habitude en pareil cas.

— Ça, Marco ! qu’est-ce que tu fais donc là. En voilà une posture pour un homme de ton âge et de ton tempérament !… Te laisser terrasser ainsi, toi, un homme en chêne !

Il me répondit je ne sais quoi ; il avait la respiration si oppressée, la voix si faible, que le son de ses paroles n’arriva pas jusqu’à mes oreilles.

— Comment l’avez-vous trouvé, Pierre ? me demanda Catherine, quand j’eus pris ma place à table, parmi les gens de la ferme.

— Heu ! dis-je, il n’est certainement pas bien, mais avec des corps bâtis comme l’est Marco, il y a toujours de la ressource.

Je ne disais pas le fond de ma pensée, ne voulant pas effrayer Catel. En allant me coucher, je songeais :

— C’est fini !… Il ne passera pas la semaine… En vérité, mon Pierre, tu ne tailleras plus de braies pour ton vieux client de Rozvilienn !…

Sur cette réflexion mélancolique, je me fourrai dans mes draps.

On me traitait à Rozvilienn, non pas en tailleur, mais en hôte. Au lieu de me faire coucher à la cuisine, ou à l’écurie, comme cela arrivait souvent à mes confrères, on me réservait la plus belle pièce de toute la maison. C’était une vaste chambre qui, du temps où Rozvilienn était château, avait dû servir de salle. Elle