Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/153

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communiquait avec la cuisine par une porte étroite, percée dans le pignon, et avait sur la cour une haute et large fenêtre d’autrefois, qui s’ouvrait presque du plancher au plafond. Car, elle avait un plancher, cette chambre, un parquet de chêne, un peu délabré, il est vrai, faute d’entretien, mais qui, avec les restes d’anciennes peintures, encore visibles, çà et là, sur les murailles, ne laissait pas de donner à tout l’appartement un certain air de noblesse. Le lit était à baldaquin et faisait face à la fenêtre.

D’habitude, lorsque l’heure du « bonsoir » avait sonné, je m’arrêtais un instant sur le seuil de la chambre, et, avant de fermer la porte, je criais d’un ton d’importance aux gens de Rozvilienn encore réunis dans la cuisine :

— Saluez le marquis de Pont-ar-veskenn (Pont du dé à coudre) qui va, dans son lit à baldaquin, rejoindre Madame sa marquise !

Cette facétie ou d’autres du même genre les faisaient rire aux éclats.

Le matin, au premier déjeuner, avec des manières cérémonieuses, ils me demandaient des nouvelles de ma nuit. Je leur débitais les histoires les plus extraordinaires. J’avais reçu la visite de la Princesse aux cheveux d’or ou celle de la Princesse à la main d’argent. Vous voyez d’ici à quels développements cela prêtait. Je vous promets qu’alors il n’y avait personne de triste.

Mais, cette fois-ci, comme bien vous pensez, il ne pouvait être question ni de princesses, ni de marquises. J’avais le cœur navré de me dire qu’un de ces pro-