Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/167

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Notre « innocent » avait pour compagnons de chambrée Jean Coz, de Pédernek, et Charles Glaouier, de Prat.

Un soir qu’Anton L’Hégaret — ainsi se nommait le briz-zod, — était resté prier à la chapelle, Charles Glaouier dit à Jean Coz :

— Si tu veux, nous allons bien nous amuser, aux dépens de l’idiot.

— Comment cela ?

— Tu vas défaire tes draps. Puis, nous les suspendrons, l’un à la tête, l’autre au pied de mon lit, de manière à former une « chapelle blanche. » Je me coucherai, et, lorsque L’Hégaret entrera, tu lui annonceras, les larmes aux yeux, que je suis mort. Tu seras censé m’avoir veillé jusqu’à ce moment, et tu l’inviteras à te remplacer. Tu sais comme il est docile. Il ne sera pas nécessaire de le supplier. Tu auras soin, en sortant, de laisser la porte entr’ouverte. Tu diras aux camarades des chambres voisines de se tenir avec toi dans le couloir. Je vous promets à tous une scène désopilante.


et qui lui a conservé un pieux souvenir, trace le portrait suivant des jeunes gens qui le peuplaient, vers 1830 (Souvenirs d’enfance et de jeunesse, p. 136) :
« Mes condisciples étaient pour la plupart de jeunes paysans des environs de Tréguier, vigoureux bien portants, braves, et, comme tous les individus placés à un degré de civilisation inférieure, portés à une sorte d’affectation virile, à une estime exagérée de la force corporelle, à un certain mépris des femmes et de ce qui leur paraît féminin. Presque tous travaillaient pour être prêtres… Le latin produisait sur ces natures fortes des effets étranges. C’étaient comme des mastodontes faisant leurs humanités. »