Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/198

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Si du moins je voyais le terminer à mon avantage, avant de mourir, je m’en irais le cœur plus léger. Je te tiens pour un garçon avisé, Ludo Garel. D’autre part, — tu me l’as assez prouvé, — il n’est pas de service que tu ne sois prêt à me rendre. Je te demande celui-ci, qui sera probablement le dernier. Demain matin, à la prime aube, tu te mettras en route pour Rennes. Tu feras visite à chacun des juges, et tu leur demanderas de se prononcer au plus vite ou pour ou contre moi. Tu as la langue bien pendue ; je compte que tu trouveras moyen de les disposer en ma faveur. Quant à moi, je vais me mettre au lit. Plaise à Dieu de ne me rappeler de ce monde que lorsque tu seras de retour.

Ludo, avant de prendre congé, s’efforça de relever les esprits abattus de son maître.

— Ne vous occupez que de vous remettre sur pied, monsieur le comte. Vous n’êtes pas encore mûr pour l’Ankou. Tâchez que je vous retrouve bien portant. Je me charge du reste, sur ma foi !

Il passa toute l’après-midi à faire ses préparatifs de voyage et à ruminer dans sa cervelle les discours qu’il tiendrait aux juges.

À la trouble-nuit[1], il se coucha, afin d’être réveillé de meilleure heure. Il dormit mal. Mille idées, mille propos incohérents lui galopaient dans la tête.

Soudain, il lui sembla entendre le chant du coq.

  1. Ann troubl-noz, le crépuscule, ou mieux, l’heure d’entre chien et loup, comme disaient nos pères.