Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/247

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Là, il ouvrit un gros livre dans lequel étaient inscrits tous les noms des membres de sa famille, et, après l’avoir consulté :

— Ma chère Mônik, prononça-t-il, écoutez-moi. Le vieillard que vous avez rencontré sous le porche était le père-doux[1] de mon grand-père. Voici plus de trois cents ans qu’il est mort. Depuis trois cents ans il languissait, faute d’une messe, dans les flammes du purgatoire. Cette messe, il fallait qu’un pauvre la payât spontanément, de ses maigres deniers. C’est ce que vous avez fait, ainsi qu’en témoigne le billet que vous m’avez remis et qui est de l’écriture du défunt. Grâce à vous, mon ancêtre de la sixième génération a été sauvé. Il me charge de vous en récompenser, d’une façon digne de lui et digne de vous. Désormais, vous ne servirez plus ailleurs qu’en ma maison. Je vous promets que vous y serez traitée avec égards. Dites seulement si vous consentez à ce que je vous propose.

La pauvre petite gardeuse de vaches était si loin de s’attendre à une telle bonne fortune, qu’elle resta comme clouée sur place, incapable de proférer une parole.

Mais le maître de Kersaliou devina aisément que c’était le saisissement et la joie qui la rendaient muette.

À partir de ce jour elle vécut au manoir. Elle y trouva le bonheur, mais, comme disait Yvon Louarn,

  1. Tad-cun, trisaïeul.