Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/341

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que je parcours ce chemin. Avant qu’il soit longtemps Marguerite Omnès se remariera, veuve et vierge. » Il s’abandonnait de la sorte à de pénibles songeries, lorsque, arrivé au pied de la Lande-Haute, il se trouva nez à nez avec un cavalier vêtu de blanc.

— Bonsoir, Fulup ! dit le cavalier.

— À vous de même, repartit le jeune homme, quoique je ne vous connaisse pas aussi bien que je suis connu de vous.

— Ne vous étonnez pas si je sais votre nom. Je pourrais vous dire encore où vous allez.

— Décidément, c’est que sur toutes choses vous en savez plus long que moi. Car je vais je ne sais où.

— Vous allez en tout cas au rendez-vous que vous a donné Kadô Vraz. Montez en croupe. Ma bête est solide. Elle portera sans peine double faix. Et au rendez-vous où vous allez, il vaut mieux être à deux que seul.

Tout ceci paraissait bien étrange à Fulupik Ann Dû. Mais il avait la tête si perdue ! Et puis, le cavalier parlait d’une voix si tendre !… Il se laissa persuader, sauta sur le cheval, et, pour s’y maintenir, saisit l’inconnu à bras le corps. En un clin d’œil, ils furent au sommet de la colline. Devant eux la potence se découpait en noir sur le ciel couleur d’argent, et le cadavre du pendu, qui n’était plus qu’un squelette, se balançait au vent léger de la nuit.

— Descends maintenant, dit à Fulup le cavalier, tout de blanc vêtu. Va sans peur au squelette de Kadô Vraz, et touche-lui le pied droit avec la main droite, en lui disant : « Kadô, tu m’as appelé, je suis venu. Parle, s’il te plaît. Que veux-tu de moi ? »