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LA LÉGENDE DE LA MORT

Celles qui autrefois écourtaient leurs prières du matin ou du soir et allaient à leur ouvrage ou gagnaient leur lit sans prendre le temps de dire l’Amen final, errent par les chemins abandonnés, en murmurant des patenôtres. Arrivées à la dernière phrase, elles s’interrompent tout à coup et ne parviennent jamais à trouver le mot qui achève la prière.

Par exemple, on les entend qui répètent désespérément :

Sed libera nos a malo !.… sed libera nos a malo !

Elles ne seront délivrées que le jour où quelque vivant aura assez de courage et de présence d’esprit pour leur répondre :

Amen !

Si on dit cependant ses prières par les chemins et que le mot que cherche l’âme en peine, on le dise, l’âme est sauvée.

Il en est d’autres, parmi les âmes, qui accomplissent leur pénitence sous la forme d’une vache ou celle d’un taureau, suivant le sexe qu’elles avaient de leur vivant. Les âmes de riches sont parquées dans des champs stériles où ne poussent que des cailloux et quelques herbes maigres. Les âmes de pauvres trouvent à brouter abondamment dans des pâtures opulentes où il ne manque ni trèfle, ni luzerne. Elles ne sont séparées les unes des autres que par un muret en