pierres sèches. La vue des pauvres si libéralement traités, ajoute encore à l’amertume des riches, de même que la misère de ceux-ci rend plus savoureuse la joie de ceux-là. En vérité, à quoi servirait l’autre monde, s’il n’était pas l’opposé du nôtre[1] ?
Quand on va pour franchir un talus planté d’ajonc, il faut avoir soin, au préalable, de faire quelque bruit, de tousser par exemple, pour avertir les âmes qui y font peut-être pénitence et leur permettre de s’éloigner. Avant de commencer à couper un champ de blé, on doit dire : Si l’Anaon est là, paix à son âme.
M. Dollo[2] se promenait un jour à la campagne, en compagnie d’un monsieur de la ville. Le chemin qu’ils suivaient était bordé d’une double haie d’ajoncs. Le monsieur, tout en marchant, s’amusait à étêter à coups de canne les pousses qui dépassaient les autres. Le vénérable Dollo lui prit brusquement le bras et lui dit :
— Cessez ce jeu, songez que des milliers d’âmes