Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/366

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— Avez-vous pleuré depuis, mon enfant ?

— Certes non, et dorénavant point ne le ferai.

— Retournez donc ce soir encore à l’église. Je pense que vous aurez lieu de vous réjouir…

La jeune fille se réjouit, en effet, car sa mère marchait en tête de la procession des âmes défuntes, la figure toute claire, toute rayonnante d’une félicité céleste[1].


(Conté par Mme Hostiou. — Quimper, 1889.)
  1. J’ai retrouvé cette légende dans la plupart des régions bretonnes que j’ai explorées. C’est certainement une des plus répandues. Le fond et les détails en sont presque partout les mêmes. Une variante recueillie à Port-Blanc mérite cependant une mention spéciale. Elle m’a été contée par Jeanne-Marie Bénard.

    « Comme la jeune fille assiste, du fond du confessionnal, au défilé des âmes qui passent silencieusement l’une derrière l’autre, elle entend tout à coup un bruit de clochettes, de clochettes grêles au son triste.

    « Et elle voit venir sa mère. C’est elle, c’est la mère qui fait sonner, en marchant, ce carillon mélancolique. Tout à l’entour de sa jupe sont superposées plusieurs rangées de clochettes. La première nuit, il n’y en a que jusqu’aux genoux ; la troisième nuit, il y en a jusqu’à la ceinture. La jupe entière en est garnie.

    « — Que signifient ces clochettes, ma mère ?

    « — Malheureuse ! Vous l’osez demander. Chaque larme que vous versez sur moi se change en une clochette, aussi lourde que plomb. Sans vous, je serais depuis longtemps en paradis. Mais comment y monterais-je, ayant un tel poids à porter ! Voyez, c’est à peine si je puis mettre un pied devant l’autre. Quand donc cesserez-vous de retarder ma béatitude éternelle ? Ce n’est pas sans raison que ces clochettes sonnent si tristement ma peine ! »

    N’est-ce pas une étrange et poétique imagination que ces larmes