Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/369

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sants. On avait beau la sermonner, lui remontrer que c’est blasphémer contre les morts que de ne se résigner pas à leur perte, rien n’y faisait.

On crut dans le pays qu’elle en deviendrait innocente.

Parfois, en effet, au milieu de ses sanglots, elle se mettait à chanter, à fredonner les berceuses avec lesquelles elle endormait Noëlik naguère, lorsqu’il était un tout petit enfant.

À la fin le recteur la prit à part et lui dit :

— Écoutez, Grida : cela ne peut pas durer de la sorte. Vous réclamez votre fils à cor et à cris. Eh bien ! répondez-moi : auriez-vous le courage de supporter sa vue, si vous vous retrouviez avec lui face à face ?

— Oh ! monsieur le recteur, s’écria Grida dont les yeux brillèrent, si vous pouviez seulement m’obtenir de le revoir, ne fût-ce qu’un instant !…

— Je vous l’obtiendrai. Mais, à votre tour, promettez-moi que vous vous comporterez ensuite comme une vraie chrétienne, comme une chrétienne résignée à la volonté de Dieu.

— Je promets tout ce que vous voudrez !

Vous pensez bien que le recteur de Dinéault savait ce qu’il faisait.

Il donna rendez-vous à sa paroissienne dans le cimetière, sur la tombe du jeune clerc, au premier coup de minuit.

— Un mot encore, ajouta-t-il. Non seulement vous verrez votre fils, mais vous pourrez même lui parler, et il vous parlera. Jurez-moi dès à présent que, quoi qu’il exige de vous, vous vous y soumettrez de point en point.