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LA LÉGENDE DE LA MORT

— Eh bien ! dit la princesse, puisque cependant vous partez, faites peindre mon portrait, celui de notre enfant et celui de ma femme de chambre sur la poupe de votre navire. Il ne vous sera pas difficile, soit à l’aller, soit au retour, de relâcher dans le port de Londres. Relâchez-y, pour l’amour de moi. Là, vous amarrerez votre bâtiment au quai, non point par le nez, comme c’est l’usage, mais par derrière, de façon que les trois portraits puissent être vus des gens qui seront à terre. C’est tout ce que j’exige de vous. Je pense que vous m’accorderez cette satisfaction en échange du chagrin que vous me causez en partant.

— Je vous l’accorderai, répondit Jean Carré.

Et, à l’aller, il ordonna en effet à ses matelots de relâcher dans le port de Londres. Le navire y fut amarré au quai, comme l’avait souhaité la princesse.

Or, le roi et la reine d’Angleterre avaient un grand jardin dont la terrasse dominait le quai, et d’où ils assistaient à toutes les entrées comme à toutes les sorties de navires.

— Hum ! dit, ce matin-là, le roi à la reine, vois-tu ce bâtiment qui vient d’arriver.

— Oui !… pourquoi ?

— Ne remarques-tu pas qu’il a le derrière là où il devrait avoir le nez ?

— Si bien.

— Il faut que ce soit un fameux imbécile qui le commande. Descendons de la terrasse. Je veux l’aller trouver de ce pas. Il ne sera pas dit qu’un navire aura été impunément amarré d’aussi sotte façon à mon quai de Londres.