Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/496

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bours le chemin qu’il avait parcouru quelques heures plus tôt. Il chantait gaiement alors, tandis qu’à présent il se sentait plus triste que le bon Dieu de Pleumeur[1].

Le recteur de Belle-Isle le reçut avec une grande affabilité.

— Mon garçon, lui dit-il, la nuit arrive. Tu vas coucher ici ce soir. Demain matin, tu continueras ton voyage.

— En vérité, s’exclama Jobic-Ann-Dréz, ce n’est donc pas pour vous non plus, le chien ?

— Non, mon ami.

Jobic eut grande envie de se fâcher tout rouge, cette fois, mais son regard ayant rencontré celui de la bête maudite, il se laissa tomber sur une chaise et fondit en larmes.

— Quand on pense, sanglota-t-il, que j’aurais pu être à table maintenant, chez mes « vieux », dans la cuisine de Coatfô.

— Console-toi, lui dit le recteur, je n’ai pas l’intention de te laisser mourir de faim. Donne-moi la corde de l’animal, que j’enferme celui-ci dans la cave. Toi, va souper et tâche de bien dormir.

N’ayant pas mangé de la journée, Jobic fit honneur au repas, malgré son chagrin, et, quand il fut au lit, il dormit d’un sommeil de plomb. Le lendemain matin, ce fut le recteur en personne qui le vint réveiller :

— Debout, camarade ! Le soleil est déjà levé ! Le

  1. Dicton bas-breton. Il y a dans l’église de Pleumeur-Gautier un Christ en croix qui a, en effet, la plus piteuse expression qui se puisse voir.