La nuit se leva, claire. Le cheval dit encore :
— Regarde derrière toi. N’aperçois-tu rien ?
— Si, répondit Jean l’Or, cette fois, je vois venir le diable, et il marche bon train.
— Jette donc le baquet, dit la bête.
À peine le baquet eut-il touché le sol qu’il en jaillit un torrent ; le torrent devint un fleuve, et le fleuve un étang immense.
Le diable a peur de l’eau. Au lieu de traverser l’étang, il se mit à en faire le tour. C’était du temps gagné pour nos fugitifs.
Au bout d’une heure ou deux, le cheval redemanda :
— Jean l’Or, n’aperçois-tu rien ?
— Si, répondit Jean l’Or, le diable a tourné l’étang.
— Jette donc la brosse, dit la bête.
À peine la brosse eut-elle touché terre que chacun des poils devint un arbre gigantesque, en sorte que le diable se trouva pris dans une forêt inextricable. Avant qu’il fût parvenu à s’en dépêtrer, Jean l’Or et sa monture l’avaient distancé de beaucoup.
Au bout d’une heure ou deux, le cheval, pour la troisième fois, interpella son cavalier :
— N’aperçois-tu rien ?
— Si, je vois le diable qui sort du bois. Il se hâte, il se hâte.
— Jette donc l’étrille.
L’étrille était à peine jetée qu’à la place où elle venait de tomber s’élevait une montagne énorme, vingt fois plus haute que le Ménez-Mikêl. Et elle était encore plus large que haute. Le diable préféra la gravir que d’en faire le tour.