Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/522

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Pendant ce temps le cheval volait aussi vite que le vent. Déjà l’on pouvait voir la terre bénite verdoyer au loin, avec ses champs, ses prairies et ses landes.

— Jean l’Or ! Jean l’Or ! interrogea la bête, toute haletante, est-ce que le diable nous suit toujours.

— Il descend la pente de la montagne, répondit Jean l’Or.

— En ce cas, demande à Dieu qu’il nous vienne en aide : il ne nous reste plus d’autre moyen de salut.

Satan était, en effet, à leurs trousses. Il était presque sur eux quand le cheval fit un dernier bond, un bond désespéré. Ses deux pieds de devant retombèrent sur la terre bénite juste au moment où le diable l’empoignait par la queue. Tout ce que celui-ci put remporter chez lui, ce fut une touffe de crins. Le cheval, qui avait repris forme humaine, dit à Jean l’Or :

— Nous allons nous séparer ici. Moi, je vais de ce pas au purgatoire ; toi, retourne en Basse-Bretagne, et ne pèche plus.

Jean l’Or s’en retourna en Basse-Bretagne, content d’avoir ramené une âme de l’enfer, plus content d’en être sorti lui-même, et bien résolu d’ailleurs à faire tout son possible pour n’y plus revenir, ni de son vivant, ni après sa mort[1].


(Conté par Créac’h. — Plougastel-Daoulas.)
  1. Cf. Luzel : Contes populaires de la Basse-Bretagne, t. II ; Le sabre rouillé ; Le magicien Marcou-Braz ; Les deux grenouilles d’or ; Peronec, p. 3-79. — Cf. aussi Luzel : Le Prince Blanc, in