Que des goélands attardés, que des troupes d’oiseaux migrateurs se heurtent de la sorte aux étages supérieurs du phare, rien n’est plus fréquent. Aux changements de saisons, en automne et au printemps surtout, c’est chose coutumière, sinon quotidienne. Que de fois, en procédant au nettoyage du matin, ne m’est-il pas arrivé d’avoir à éponger de larges éclaboussures de sang, des touffes de duvet, des débris de cervelles !… On recueille même des cadavres entiers, et je me souviens, par exemple, que le soir de Noël, il nous tomba du ciel deux oies sauvages qui nous firent un succulent réveillon.
Mais, tout à l’heure, cette trombe de fantômes, cet assaut si furieux que la lanterne en avait tremblé, ces démesurés battements d’ailes, ces cris enfin, ces croassements d’épouvante et de douleur, cette agonie tumultueuse et farouche, jamais encore, en mes sept années de phare, il ne m’avait été donné d’être témoin d’un semblable spectacle !