Page:Le Braz - Le gardien du feu, 1909.djvu/55

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tour de pierre dont la mince silhouette, d’une blancheur de sépulcre, s’effilait ainsi qu’une colonne funéraire hors de l’immense désert des eaux. Adèle suivit la direction de mon regard, vit le phare dressé sur l’occident clair et murmura d’une voix dolente :

— Oui, par-dessus le marché, tu vas me laisser seule !

« Par-dessus le marché ! » Elle avait souvent de ces paisibles cruautés inconscientes qui me poignaient le cœur, qui me faisaient, comme on dit, saigner en dedans. D’ordinaire, je me contentais d’en souffrir en silence. Je fus pourtant sur le point de relever celle-ci ; mais déjà la petite âme changeante de la Trégorroise s’épanchait en jolis rêves, me versait le baume de ses mirages, de ces délicieuses imaginations qui n’étaient qu’à elle :

— Durant ton absence, voilà, je serai une veuve. Les gens ne me rencontreront qu’en vêtements noirs. Même chez nous,