Page:Le Braz - Le gardien du feu, 1909.djvu/71

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mon lot, quand tu es au phare. Tu reviens : c’est pour m’achever avec tes mines de résignation, ta figure de pénitence. Qui me distraira, si tu ne le fais point ? Invente quelque chose, parle !… À moins qu’il ne soit vrai, comme on raconte, que les hommes des phares, à force de vivre en tête à tête, finissent par désapprendre la parole.

Ces reproches augmentaient encore mon embarras et ma gaucherie. J’aurais voulu lui crier :

— Épargne-moi ! C’est parce que je t’aime trop, c’est parce que ton amour est en moi comme une flamme insatiable et que cette flamme a tout dévoré !…

Mais, au lieu de sons humains, il ne fût sorti de ma poitrine que des sanglots.

D’autres fois, au contraire, le sentiment — dont j’étais torturé sans cesse — de la rapidité des jours heureux, exaspéré peut-être par les longues continences du large, allumait dans mon sang la fougue barbare