NÉDÉLEK
(LA FÊTE DE NOËL CHEZ LES BRETONS)
La solennité de Noël a donné naissance à une riche
floraison de chants populaires célébrant sur tous les tons,
et même sur les moins religieux parfois, le touchant épisode
de la Nativité. Chaque région, chaque province a
les siens, qui réfléchissent le tour d’imagination propre
à ses habitants. Ils ont, en Bourgogne, une jovialité large,
bien nourrie, haute en couleur ; en Provence, une grâce
heureuse et comme ensoleillée ; ils sont, en Bretagne, où
la joie même a quelque chose de grave, d’une mysticité
délicieuse qui en fait comme les fragments épars d’une
sorte d’évangile apocryphe, composé par des poètes barbares,
mais pieux, à l’usage du peuple armoricain. Les enfants
des bourgs, et aussi les mendiants, les vieilles femmes,
les vont chantant de portes en portes, aux approches
du jour consacré. Du 20 au 25 décembre, les rues foisonnent
de ces « chanteurs de Nédélek » [1]. Ils voyagent
par groupes, le plus souvent à la tombée de la nuit, égrenant
leur répertoire le long des seuils, implorant, en
échange, le cuignaoua, les étrennes du pauvre, au nom de
Jésus. D’aucuns se réunissent sur la place du village ou
s’échelonnent sur les marches du cimetière, et se mettent
à psalmodier en plein air, sous les étoiles, de rustiques
récitatifs où il arrive que le même acteur soit tour à tour
- ↑ Nom breton de Noël.