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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/139

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NÉDÉLEK

greffe plus de cinquante mille personnes. Si l’affluence continue, les gens ne trouveront ni à se nourrir ni à se loger… Nous, notre maison est vaste, et les familles de conséquence ont accoutumé d’y descendre. Je ne croîs pas qu’il reste une seule chambre qui ne soit point retenue. Que s’il se présente des pauvres, des manants, de là canaille, des gueux et des pouilleux, il est urgent de veiller à ce qu’ils n’entrent point. Je vais, à ce dessein, faire fermer toutes les issues, pousser tous les verrons, et l’on n’ouvrira désormais qu’aux gentilshommes qui viendront en litière, en carrosse ou en magnifique équipage.

Ainsi parla l’hôte, et sa femme fut d’avis qu’il parlait selon la raison.

Cependant la foule commençait à se disperser, chacun gagnant son gîte en grande hâte. Les rues et les ruelles se vidaient l’une après l’autre. Il n’y avait plus guère dehors que les commères qui restent tard à deviser ensemble. Soudain, une d’elles dit aux voisines :

— Quelle est celle, là-bas, qui monte la rue si péniblement et d’une démarche si chancelante ?… Elle est toute jeunette encore, et pourtant elle va bientôt être, mère… Rouge est sa jupe, si je ne me trompe, et bleu son manteau. Son visage est plutôt d’une jeune fille avant les fiançailles que d’une femme après les noces, tant il est délicat et agréable à regarder.

— En effet, répartit une autre commère, on ne saurait dire si l’homme qui s’avance à côté d’elle doit être appelé son père ou son mari ; il a barbe grise et l’air quasi vénérable. Avec quelle sollicitude il prend soin d’elle et ta soutient !… Et toutefois il est lui-même bien chargé, le malheureux. Voyez, il a sur le dos un bissac rempli des instruments de sa profession. C’est sans doute