Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/16

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vous. Je suis votre hôte aussi bien que celui de Nann. De quel droit me faites-vous affront ? - Je vous dis que c'est une gueuse !... une gueuse !... hurlait Nann, dont la colère, étranglée tout d'abord par la stupeur, se répandait maintenant en un flot d'invectives. - Vous, ma commère, taisez-vous ! commanda sèchement Keranglaz Puis il continua, s'adressant de nouveau à la Charlézenn, avec sa jolie voix savante à bien dire : - Vous êtes chez vous ici. Si ma présence vous gène, c'est moi qui doit sortir, non pas vous. Ordonnez, j'obéirai. Permettez-moi seulement d'ajouter qu'égaré dans ce bois, alors qu'il faisait encore demi-jour, je ne saurais guère m'y retrouver la nuit. En m'obligeant à partir, vous me mettrez en grand embarras, peut-être en grande détresse ; car les loups abondent, dit-on, au Roscoat, et je n'aurais pour me défendre contre leur appétit que mon courage, mon couteau de chasse et Kurunn mon lévrier. Je vous avoue que la perspective de servir de souper à Messires Loups ne me sourit nullement ; j'aimerais mieux, si tel était votre bon plaisir, quelques heures de sommeil auprès de votre feu, car je tombe de fatigue.

Jamais on n'avait parlé à la Charlézenn un language aussi gracieux. Elle se sentit devenir toute rouge et balbutia timidement: - C'est moi qui vous demande excuse pour ma maussaderie, monseigneur. Croyez que je n'ai point l'âme malicieuse. Je ne deviens méchante einsi envers mon prochain que parce que Nann est si hargneuse envers moi.

On eût dit que la groac'h n'attendait que cett