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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/161

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NOËL DE CHOUANS

pour descendre sur la terre des hommes — que, jadis, pour gravir le Golgotha. — la neige tombait, le vent soufflait.

« Malgré la neige, malgré le vent, — par vaux et monts, sur un cheval nu, — sans étriers ni mors, sans selle, — Boishardy courait cependant. — Qu’importe le temps au chouan ! — Le veut soufflait, la neige tombait.

« Il n’a pour éclairer sa route — que le feu qui sort de ses yeux — luisants comme des escarboucles. — Il crie à la bête : Plus vite ! — Plus vite que la mort va la bête. — La neige tombait, le vent soufflait.

« Aux trous des talus, les chouettes — se demandaient l’une à l’autre : — Où va Boishardy de ce pas ? Quel nouveau meurtre a-t-il en tête ? — Quelle ferme va-t-il brûler ? — Le vent soufflait, la neige tombait.

« Le rouge-gorge, oiseau du Calvaire, — aux chouettes a répondu : — Boishardy, le massacreur d’hommes, — pour une fois a changé d’âme. — Puisse Dieu lui en savoir gré ! — La neige tombait, le vent soufflait.

« Boishardy galope, galope, — pour exaucer le dernier vœu, — le vœu d’un innocent, malade — dans le lit clos de Keralzy. — Qu’il prenne garde ! La mer monte.. »

… La petite ville se tassait, toute noire, sur le gris de l’horizon, de l’autre côté d’une de ces grèves profondes que l’Océan creuse dans les failles de la terre bretonne et que le flot ne visite guère qu’aux grandes marées d’équinoxe.

Le dur sabot du cheval de ferme sonnait maintenant sur une chaussée de galet.

Une âcre odeur de saumure montait des ténèbres.

Soudain, bête et cavalier sentirent le sol se dérober sous eux. Une chose mouvante, glacée, sinistre, les engloutissait sans bruit.