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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/164

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AUX VEILLÉES DE NOËL

une limousine, le cou entortillé dans une demi-douzaine de foulards :

— À la bonne heure ! s’écria Boishardy, te voilà garanti contre les rhumes !… Dis-moi, tu as bien parmi tes amis quelque boutiquier-tailleur ?

— Certes.

— Courons-y de ce pas !

Le marchand, réveillé en sursaut, pesta sans doute quelque peu contre cet acheteur nocturne à mine de forban, mais la vue d’une poignée de jaunets calma vite sa mauvaise humeur.

Justement il avait là un habit d’enfant « tout ce qui se peut voir de plus délicieux… et moelleux !… un pur velours !… Touchez-moi cette étoffe !… »

Les boutons, il est vrai, n’étaient point de nacre. Mais ce fut l’affaire d’un instant de les changer.

Au sortir de chez le tailleur on passa chez le cordonnier. Puis vint le tour de l’apothicaire. Le chouan s’y emplit les poches de fioles de sirop, de plusieurs aunes de pâte de réglisse et d’un nombre indéfini de sachets de pastilles.

À l’un des contreforts de l’église — qui pour le moment servait de grenier à fourrages — s’adossait l’échoppe d’un imagier… Mais rendons la parole à l’auteur inconnu de la complainte :

« Chez l’artisan faiseur de saints — Boishardy entre en dernier lieu, — Boishardy entre, bourse en main, — et sans marchander il achète un bon Dieu d’ivoire. — Le vent soufflait, la neige tombait.

« Il achète un blanc crucifix, — pour que l’enfant de Keralzy — ait, en mourant, devant les yeux, — Celui qui mourut pour les hommes, — le Maître doux du Paradis !… — La neige tombait, le vent soufflait… »