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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/171

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LA NOËL

DE JEAN RUMENGOL



I


Jean Rumengol était de son métier chanteur de chansons.

La race disparaît, hélas ! de ces vagabonds inspirés qui jadis peuplaient les routes de la Basse-Bretagne. Ils s’abattaient sur le pays, au printemps, comme une joyeuse volée d’oiseaux. Ils abondaient surtout aux pardons. Ils y arrivaient la veille, le soleil déjà couché, avec leur havre-sac en peau de veau bourré de chansons, de gwerzes dolentes et de sônes délicieuses. Ils passaient la nuit accroupis sur les bancs de pierre du porche ou allongés dans l’herbe du cimetière, entre les tombes. Et ils dormaient là, paisiblement, le visage tourné vers les étoiles. La lumière du matin faisait étinceler leurs haillons que la rosée avait soupoudrés de diamants. Soudain, ils se levaient de terre, secouaient — comme ils disaient — leur pauvreté, et s’égosillaient à qui mieux mieux, avec des voix allègres d’alouettes. Jeunes gens et jeunes filles, venus pour la messe matinale, faisaient cercle autour d’eux. Entre deux couplets, le chanteur brandissait au-dessus de sa tête une poignée de feuilles volantes,