LA HACHE
I
Matic Corniguellou est une petite vieille, si vieille
qu’elle ne sait plus son âge. Quand on le lui demande,
elle répond :
— Voilà, par exemple, une chose dont je ne me suis jamais inquiétée, pas plus que de vérifier quelle heure il est à l’horloge, lorsque je me sens envie de dormir.
Quelquefois elle ajoute sentencieusement :
— Il n’y a ni jeunes, ni vieux, voyez-vous. Nous avons tous le même âge, l’âge de mourir.
Elle est mince, fluette, et quasi impondérable. Elle a coutume de dire :
— Mes proches n’auront pas la peine de suivre mon enterrement. Je m’en irai dans un coup de vent d’ouest, à la grâce de Dieu, comme un fétu de paille.
Fraîche, d’ailleurs, et à ce point conservée, selon ses propres termes, que c’en est miracle. De figure d’aïeule semblable à la sienne, je n’en ai vu que dans les tableaux des vieux maîtres hollandais. Encore y a-t-il dans ses traits une grâce fine et délicate qu’il n’a jamais été donné à ces vieux maîtres de contempler dans leurs modèles. Cela est chez elle le signe de la race, le signe aussi — et surtout — de son âme charmante, de son « moi », comme parlent certains. Oh ! nullement compliqué, ce