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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/347

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HUMBLE AMOUR

« Elle tressaillit, devint toute blanche, et, rassemblant ses cheveux d’un geste rapide :

« — C’est donc vous, Laurik Cosquer ! fit-elle.

« Nous n’échangeâmes point d’autres paroles. Le vieux Jozon, l’ancien soldat de l’Empereur, me hélait joyeusement du fond de son lit clos.

« — Çà, matelot, viens que je le donne l’accolade !

« Et, derrière lui, contre la muraille, se montra la figure accueillante et vénérable de Fanta, soulevée sur son séant et murmurant de sa voix musicale :

« — Dieu te garde, Laurik !

« Avec un sourire, elle ajouta :

« — Nous sommes dans tes dettes, mon fils. Les taupes tuées le jour où tu nous quittas si brusquement ne t’ont jamais été payées. Il y en avait quatre ; ce qui fait que nous te devons huit sous.

« Le mois d’après, on affichait aux mairies de Mantallot et du Minihy les bans de mariage de Renée Garandel, filandière, avec Laurent Cosquer, gabier de l’État, domicilié à bord du Redoutable, présentement en congé et dûment autorisé par ses supérieurs.

« Je vous le disais en commençant, ôtrou, je le redis en finissant ; Voilà comme les choses se passaient de mon temps, au temps ancien dont les jeunes d’aujourd’hui se moquent. Pour moi, je loue l’Éternel de m’avoir fait vivre en cet âge si lointain de la candeur et de là simplicité bretonnes… Néa Garandel a été l’herbe d’or du jardin de ma jeunesse. Elle a embaumé et illuminé mes jours. J’ai eu trois autres femmes. Toutes, je les ai pleurées avec des larmes sincères. Mais, Néa, je n’eus même pas la force de la pleurer. Quand elle fut morte, je demeurai comme absent de moi-même. Et depuis je ne me suis pas retrouvé. C’est bizarre, mais c’est comme ça. Et tenez, ce