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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/45

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LE BÂTARD DU ROI

Elle se souciait médiocrement de se rencontrer seule à seule avec cette espèce, et, clignant de l’œil du côté de son mari qui, debout derrière la marquise, pétrissait consciencieusement son chapeau de feutre entre ses doigts :

— Si Guillou m’accompagnait, m’est avis que nous leur expliquerions mieux…

La marquise l’interrompit vivement :

— J’ai prié maître Guillaume de veiller avec moi… Et, à ce propos, ne m’en veuillez pas si je l’accapare une bonne partie de la nuit : nous avons à causer ensemble… Allez, dame Claude, je suis convaincue d’avance que tout ce que vous ferez sera bien fait.

Ainsi congédiée, l’intendante s’éloigna.

Dès que le bruit de ses sabots se fut perdu dans la profondeur des corridors qui conduisaient aux cuisines, la marquise de Locmaria dit à messire Guillaume Guégan :

— Ayez l’obligeance d’allumer les candélabres. Je suis des pays du soleil. J’aime la clarté.

Elle ajouta :

— Qu’il fait donc froid dans vos contrées d’Occident ! En route j’ai failli périr.

Puis, au bout d’un moment, quand la flamme des chandelles se fut mise à brûler longue et droite :

— C’est très beau ici, soupira-t-elle. On se croirait en quelque chambre enchantée du palais des Mille et une Nuits.

Elle s’était laissée tomber dans un fauteuil devant le feu et, le buste incliné vers l’âtre, tendait, pour les réchauffer, ses mains menues et délicates que des mitaines de dentelle noire voilaient à demi. Ses ongles diaphanes, vus en transparence, ressemblaient à de fins pétales de