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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/86

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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

— En vérité, monseigneur, vous auriez dû naître gueux.

— Hé ! ripostait-il, ne suis-je pas un peu de la race des quêteurs d’aumônes ? Qui sait dans quels chariots ont roulé mes ancêtres ?

Car il ne faisait pas mystère de ses origines maternelles. Volontiers même il s’en targuait. Ce qui ne l’empéchait pas de traiter la marquise, sa mère, comme la dernière des servantes. Mme de Locmaria s’efforça d’abord de maîtriser les écarts de cette nature effrénée, elle n’y réussit point ; alors elle s’attacha, autant qu’il était en elle, à en prévenir les suites funestes. On raconte qu’elle passait les jours et souvent les nuits à surveiller, de l’embrasure d’une fenêtre, les allées et les venues de son formidable fils. Dès qu’il sortait du château, avant qu’il eût franchi la grille du parc, elle courait à la cloche et sonnait le tocsin. Ce signal était entendu et compris de tout le pays environnant. Les jeunes filles se barricadaient chez elles ; les hommes s’armaient de leur penn-baz prêts à toute éventualité. On savait que la bête avait quitté sa tannière, et l’on se mettait en garde contre son féroce appétit.

Mme de Locmaria mourut à la peine.

Mais son ombre, dit-on, habite toujours la somptueuse demeure élevée, voici deux siècles, à son intention. On voit parfois, au crépuscule du soir, apparaître derrière les vitres son pâle et douloureux visage, noyé dans une opulente chevelure que les angoisses anciennes ont blanchie.

Comment finit le markiz brunn ? On l’ignore. Les complaintes populaires nous ont toutefois transmis les dispositions de son testament. Il distribuait sa fortune entre les églises de Plégat, de Plestin, de Plouigneau, de Lan-