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Page:Le Bulletin communiste, janvier à juin 1922.djvu/282

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guiser, ce n’est pas assez de l’aiguiser, il faut savoir s’en servir.

Ce n’est pas assez de séparer les communistes des réformistes et de les lier par la discipline de l’organisation, il est nécessaire que l’organisation apprenne à diriger toutes les actions collectives du prolétariat dans toutes les circonstances de sa lutte vitale.

Telle est la seconde lettre de l’alphabet communiste.

5o L’unité du front s’étend-elle seulement aux masses ouvrières ou comprend-elle aussi les chefs opportunistes ?

Cette question n’est que le fruit d’un malentendu.

Si nous avions pu unir les masses ouvrières autour de notre drapeau, ou sur nos mots d’ordre courants, en négligeant les organisations réformistes, partiel ou syndicats, ce serait certes, la meilleure des choses. Mais alors la question du front unique ne se poserait même pas dans sa forme actuelle.

La question du front unique se pose par cela même, que des fractions très importantes de la classe ouvrière appartiennent aux organisations réformistes ou les soutiennent. Leur expérience actuelle n’est pas encore suffisante pour les en faire sortir et les amener à nous.

Il est possible qu’au lendemain des actions de masse qui sont à l’ordre du jour, un grand changement survienne sur ce point. C’est justement ce que nous voulons. Mais nous n’en sommes pas encore là. Les travailleurs organisés sont encore divisés en trois groupes. L’un de ces groupes, le groupe communiste, tend à la révolution sociale et précisément pour cette raison, soutient tout mouvement même partiel des travailleurs contre les exploiteurs et contre l’État bourgeois.

Un autre groupe, le groupe réformiste, tend à la paix avec la bourgeoisie. Mais pour ne pas perdre son influence sur les ouvriers, il est forcé, contre la volonté profonde de ses chefs de soutenir les mouvements partiels des exploités contre les exploiteurs.

Enfin, le troisième groupe, centriste, oscille entre les deux autres, n’ayant pas de valeur propre. Ainsi les circonstances rendent tout à fait possibles, dans toute une série de questions vitales, les actions communes des ouvriers unis dans ces trois sortes d’organisations, ainsi que des masses non organisées qui les soutiennent.

Non seulement les communistes ne doivent pas s’opposer à ces actions communes mais au contraire, ils doivent en prendre l’initiative justement parce que plus grandes sont les masses attirées dans le mouvement, plus haute deviens-la conscience de leur puissance, plus sûre elle devient d’elle-même, et plus les masses deviennent capables d’aller de l’avant, si modeste qu’aient été les mots d’ordres initiaux de la lutte. Cela veut aussi dire que l’extension du mouvement aux masses accroît son caractère révolutionnaire et crée des conditions plus favorables aux mots d’ordre, aux méthodes de lutte et en général à la direction du Parti Communiste.

Les réformistes ont peur de l’élan potentiel révolutionnaire du mouvement des masses ; la tribune parlementaire, les bureaux des syndicats, les cours arbitraires, les antichambres des ministères, sont leurs arènes favorites.

Nous sommes, au contraire intéressés en dehors de toutes autres considérations, à faire sortir les réformistes de leurs abris et à les situer à nos côtés sur le front des masses en lutte. Avec une bonne tactique ce ne peut être qu’à notre avantage.

Le communiste qui en doute ou qui en a peur ressemble à un nageur, qui aurait approuvé des thèses sur le meilleur moyen de nager, mais ne se risquerait pas à se jeter à l’eau ;

6o L’unité de front suppose donc de notre part la décision de faire concerter pratiquement nos actions, dans de certaines limites et dans des questions données, avec les organisations réformistes pour autant qu’elles représentent encore aujourd’hui la volonté de fractions importantes du prolétariat en lutte.

Mais nous nous sommes séparés des organisations réformistes ? Oui, parce que nous sommes en désaccord avec elles sur les questions fondamentales du mouvement ouvrier.

Et pourtant, nous recherchons un accord avec elles ?

Oui, chaque fois que la masse qui les suit est prête à agir de concert avec la masse qui nous suit, et chaque fois que les réformistes sont plus ou moins forcés à se faire l’instrument de cette action.

Mais ils liront qu’après nous être séparés d’eux, nous avons besoin d’eux ?

Oui, leurs phraseurs le pourront dire. Et quelques-uns parmi nous peuvent s’en effrayer. Quand aux grandes masses ouvrières, même celles qui ne nous suivent pas et qui ne comprennent pas nos buts, mais qui voient exister parallèlement deux ou trois organisations ouvrières – ces masses tireront de notre conduite cette déduction, que, malgré nos divisions, nous tendons de toutes nos forces à faciliter aux masses l’unité d’action ;

7o La politique du front unique, pourtant, ne comprend pas en soi de garanties pour une unité de fait, dans toutes les actions. Au contraire, dans nombre de cas, dans la plupart peut-être, l’accord des différentes organisations ne s’accomplira qu’à moitié ou ne s’accomplira pas du tout. Mais il est nécessaire que les masses en lutte puissent toujours se convaincre que l’unité d’actions a échoué, non pas à cause de notre intransigeance formelle, mais à cause de l’absence d’une véritable volonté de lutte chez les réformistes.

En concluant des accords avec d’autres organisations nous nous imposons sans doute une certaine discipline d’action. Mais cette discipline ne peut avoir un caractère absolu. Si les réformistes sabotent la lutte, contrecarrent les dispositions des masses, nous nous réservons le droit de soutenir l’action jusqu’à la fin, sans nos demi-alliés temporaires, à titre d’organisation indépendante.

Un renouvellement acharné des luttes entre nous et les réformistes, pourra en résulter. Mais ce ne sera plus une simple répétition des mêmes idées dans un cercle fermé, cela signifiera — si notre tactique est bonne — un élargissement de notre influence dans de nouveaux milieux prolétariens ;

8o Voir dans cette politique un rapprochement avec les réformistes, ce ne peut être que le point de vue d’un journaliste qui croit s’éloigner du réformiste, quand il le critique sans sortir de sa salle de rédaction et qui a peur de l’affronter devant les masses ouvrières, peur de donner à celles-ci la possibilité de comparer le communiste et le réformiste dans les conditions égales de l’action des masses. De fait, sous cette crainte, que l’on prétend révolutionnaire, du « rapprochement » se dissimule au fond une passivité politique, qui tend à conserver un état de choses, dans lequel les communistes comme les réformistes ont chacun leur cercle d’influence, leurs auditoires, leur presse, et dans lequel cela suffit à donner aux uns et aux autres l’illusion d’une lutte politique sérieuses ;

9o Nous avons rompu avec les réformistes et les