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BULLETIN COMMUNISTE

Mais, au grand étonnement des autorités, l’armée nationale des volontaires se multiplie avec une fécondité semblable à celle de la flore tropicale. De sorte que le mouvement en est arrivé au point où il constitue un défi direct aux autorités britanniques. Ceux qui suivent de près la marche foudroyante des événements de l’Orient militant d’aujourd’hui ne peuvent douter de l’importance de ce défi et de sa justification. Le pouvoir britannique aux Indes a été menacé une première fois à la conclusion de la guerre de Crimée en 1857. Il l’est de nouveau à présent et. dans des circonstances telles qu’il est permis de douter sérieusement qu’il survive à pareil coup.

Les hommes d’Etat britanniques, pris de peur, ont perdu l’assurance flegmatique qui les caractérisait au temps où l’Empire britannique reposait solidement sur ses fondements. Le vice-roi des Indes, agissant sans doute d’après les instructions de Downing-Street, a fait récemment une tentative de rapprochement entre Gandhi et le gouvernement. Il lança une proposition annonçant que, sous certaines conditions, il recevrait Gandhi et ses collègues pour discuter des concessions qui pourraient satisfaire les aspirations du peuple aux Indes. Or, il y a dans l’immense population des Indes bon nombre d’individus qui vivent en quelque sorte du régime britannique, et quelques-uns d’entre eux, inquiets à l’idée de voir cesser toutes relations avec les autorités britanniques, et effrayés devant les progrès du mouvement révolutionnaire suscité par Gandhi, se sont fait les ambassadeurs du vice-roi auprès de Gandhi. Une conférence. récemment tenue en vue d’un rapprochement, finit par un fiasco et montra aux yeux de tous à quel point l’opinion publique était unanime dans son hostilité à une politique de compromis avec l’Angleterre.

Cependnnl, Ghnndi, poursuivant sa politique de fcMlirta Imlr (jj. oli’ri :. d’ajourner le régime de u désobéissance civile >>. et envoya au vice-roi une leHrc qui, eu réalité, est une invitation au gouvernement britannique de se rendre non pas à la force, mais à la persim.-iun. La lettre, qui peut être déurite comme l’uilinmlum d’un leader rebelle à un gouvernement au pouvoir, demandait la mise en liberté de tous les prisonniers politiques, la cessation des mesures prises contre le mouvement révolutionnaire et l’expression d’un repentir sincère de la part des autorités anglaises pour s’étre opposées à la volonté de tout un peu nie réclamant l’autonomie. II y a trois.ou quatre ans, Gandhi aurait été jeté dans un cachot ou collé contre un mur et fusillé pour cl t acte cle « haute trahison » ; Gandhi luiméme. d’ailleurs, est bien conscient du danger qu’il court. En vérité, depuis quelques mois déjà, il provoque

  • délibérément son arrestation, en publiant

qu’il a n essayé de corrompre la loyauté de l’armée indienne », que son mouvement vise directement à l’écroulement du gouvernement et est par conséquent séditieux », que lui et ses partisans u susciteront ouvertement et systématiquement la sédition jusqu’au jour où ie gouvernement jugera bon de les arrêter n. ^

En ccih* (K*ensif>n, comme en celle de la lettreulfiniahim, Sa gouvernement s’est abstenu et continue à s’abstenir de sévir contre lui. Pendant ce temps, pour des raisons similaires el des offenses beaucoup moins graves, des milliers de ses compatriotes sont jetés en prison sans autre forme de 7U’occs. G,)’ntl.i, qui personnifie l’esprit même de îa rébellion et qui avoue si ouvertement son inten- (L IJêie-tni lentement J

tion de provoquer la sédition, jouit jusqu’ici d’une absolue liberté. Mais l’atmosphère reste si chargée que le gouvernement sera forcé d’un moment à l’autre de déplacer, en ia personne cle Gandhi, l’étinceile qui est prête à mettre le feu aux poudres. Les journaux de Londres, alarmés, demandent à l’unisson la tète de Gandhi. Le vice-roi lui-même, dans son dernier communiqué, déclare quo le mouvement révolutionnaire sera désormais réprimé avec la brutale sévérité qu’il sied à une autocratie politique, menacée de destruction, d’adopter comme une méthode désespérée de défense. Qu’arrivera-t-il si Gandhi est arrêté ? U n’y aura pas de rébellion armée pour la seule raison que toutes les armes se trouvent entre les mains de l’armée britannique. Il y aura des émeutes, des désordres civils et peut-être beaucoup de sang répandu. Mais la campagne de » désobéis- sance civile » — une forme de guerre plus subtile et plus efficace qu’une bataille en champ ouvert — continuera avec une intensité croissante. Car Gandhi n’a pas seulement réussi à détruire pour toujours le prestige de l’Angleterre aux Indes, mais aussi à montrer que les 320 millions d’hommes qui forment le peuple hindou, sauront, dans leur condition actuelie cle désarmement, renverser l’impérialisme britannique en opposant, avec une unité absolue leur résistance passive à sa puissance militaire. Pendant que le gouvernement britannique perd son temps à se demander s’il faut l’arrêter ou non. Gandhi a assuré le parfait fonctionnement du mécanisme de la « désobéissance civile ». Toute une hiérarchie de successeurs a été formée pour prendre la place des leaders au cas où ils seraient arrêtés. Et le Comité Exécutif du Congrès nationaliste pan-hindou constitue déjà en quelque sorte le gouvernement provisoire du nouvel Etat rebelle.

Le temps décidera si ce sera la révolution armée on la « désobéissance civile » qui détruira l’empire britannique aux Indes. Ce qui est certain, c’est que, quoi qu’il arrive, l’impérialisme britannique est destiné à la destruction. Et pas un homme n’aura autant contribué à cet effondrement que Mohandas Karamchand Gandhi, l’Hindou ascète, ce politicien unique en son genre, qui unit à la douce piété de saint François d’Assise, l’artucn d’Ignace de Loyola.

G.-A.-K. LUHANI.

LA LUTTE DE CLASSES

Bulletin de l’Internationale syndicale rouge Parait detux fois par mois

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J. TOMMASI, Guy TOURETTE

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