Page:Le Centaure, I, 1896.djvu/20

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II

Quand Byblis s’était retrouvée seule sur le petit lit de feuilles vertes où elle dormait, côte à côte, avec son frère, toutes les nuits, elle avait en vain cherché le sommeil ; les rêves, ce soir-là, ne la visitèrent point.

Elle sortit : la nuit était douce. Une respiration tranquille enflait et affaissait lentement les masses profondes de la forêt. Elle s’assit sur une pierre et regarda l’eau couler.

« Caunos, pensait-elle, Caunos. Pourquoi n’est-il pas rentré ? Qui l’attire et qui le retient ? Qui l’éloigne de moi, mon père ? »

Et en disant ces derniers mots, elle se pencha sur la source…

« Mon père ! répéta-t-elle. Mon père ! Où est Caunos ? Révèle-moi… »

Un murmure des eaux répondit :

« Loin… »

Byblis effrayée reprit vivement :

« Et quand reviendra-t-il ? Quand reviendra-t-il ici ?

— Jamais…, répondit la source.

— Mort ! Il est mort !

— Non…

— Où le reverrai-je ?

— … »

La source ne parlait plus. Le glissement léger du ruisseau était redevenu monotone. Aucune apparence divine ne vivait dans l’eau très pure.