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Page:Le Cri de Toulouse 1912-04-06.djvu/4

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À nos Lecteurs


Exceptionnellement, en raison des fêtes de la Semaine Sainte et des vacances de Pâques, Le CRI DE TOULOUSE ne paraît aujourd’hui et ne paraîtra samedi prochain que sur quatre pages.

Le texte et les illustrations n’en seront que mieux choisis. Le numéro du 20 Avril reparaîtra comme d’habitude, sur 8 pages.




LE CHAMPIONNAT DE RUGBY



Au Théatre des Nouveautés, mercredi dernier, pour fêter la victoire du Stade, l’excellent ténor, M. Darthez, voulut bien chanter deux « à propos » de circonstance, dont l’un fut l’amusante chanson que voici :


Air : Musique de Chambre.


I


On connaissait le Pont-Euxin,
On connaissait le Pont-aux-Ânes,
Les pontes qui tirent à cinq,
Les « trois ponts » aimés des sultanes,
Mêm’ la ponte des animaux ;
Mais v’la que tout cela s’évade
Pour faire place aux Ponts-Jumeaux
Où triompha notre beau Stade.


II


La veill’ du match, des étrangers
Nombreux comme des sauterelles ;
Couraient, afin de se loger,
Le long des rues et des ruelles ;
Certains, à défaut de plumard,
— Foot-ball, tu vaux bien l’holocauste —
Ont dû coucher sur un billard,
D’autres ont dû coucher au poste !


III


Jamais le Canal pacifiqu’
Ne vit se presser sur sa rive
Comme au grand Jour un tel public
Rempli de la flamme sportive.
On a vu là tous les sportsmen
Devant qui la foule s’écarte :
Brennus, le dernier des Romains,
Et Soulé le premier des… Parthes !


IV


C’est tout ce monde qu’étonna
Le team des démons écarlates,
Qui sont venus au championnat
En faisant feu des quatre pattes.
Ce Faillot, qu’on nous présentait
Comme un décrocheur de la Lune,
Faillot n’en ficha pas un p.t ;
Pour un… Fayot, quelle infortune !


V


Les Toulousains ont réussi
Parc’ qu’ils furent à bonne école :
— Bravo, Mounic ! — parce qu’aussi
Ils avaient au cœur un symbole.
Partout il faut de l’idéal :
On a le droit d’être poète
Même quand on joue au foot-ball,
Et de crier : « vive Zézette ! »


VI


Si des aigris disent : « Allons,
— Avec une ironie jalouse —
« Une vierge avec un ballon,
« Cela ne se voit qu’à Toulouse ! »
Nous répondrons en bon français :
« La Gascogne est la Vierge Rouge ;
« Ce qui remue en elle, c’est
« Macarel, le Midi qui bouge ! »




NOUVELLES SUR LE POUCE



Encore un terrible accident :

Un maraicher d’Aucamville, M. B… en est la victime. Il laisse malheureusement onze enfants et la fenêtre du premier ouverte. Au souper, il avait mangé comme d’habitude, mais il lui prit fantaisie d’ajouter à son repas un salsifis placé devant lui sur la table.

Ce légume, ordinairement inoffensif, contenait un pois fulminant qu’un de ses gosses y avait caché.

Une explosion se produisit. On trouva des morceaux du maraicher à cent mètres de distance. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’il n’a pas cassé sa pipe.

Le cocher Jean Labistouille, qui conduit un omnibus traîné par deux chevaux, voulut serrer le frein près d’une bifurcation. Il appuya tellement fort sur la mécanique, qu’il aplatit complétement le devant de la voiture et écrasa le derrière des deux chevaux. De plus, la secousse lui renvoya ses deux genoux dans les yeux. Maintenant, il est obligé de regarder son patron avec des coquilles de noix percées.

À Lardenne, au cours de la cavalcade, un hercule pris d’un délire inexplicable, croyait lutter contre un amateur, alors qu’il était seul. Pensant tenir un adversaire, qui n’était qu’imaginaire, il s’est écrasé lui-même entre ses bras.

Sa pauvre veuve est inconsolable. Pour adoucir son chagrin, elle souffle dans des verres de lampe, entre midi et le passage à niveau.

À la foire, aux salaisons, de la place Saint-Sernin, jeudi dernier, un jambonneau s’est enfui par la rue du Taur. Dans sa fuite, il a renversé deux modistes et un huissier. En présence de cet accident, il se pourrait que M. Bosc, le plus central des commissaires de police, fit museler les jambonneaux à moins qu’on ne les emploie à prévoir le temps qu’il a fait la veille.

On nous annonce à l’instant que la pêche à la ligne va être interdite à partir de la seconde quinzaine d’avril.

On remarquera que cette mesure annuelle est tardive cette année. Depuis deux mois on voyait les goujons dépérir. Ils avaient demandé, sans l’obtenir, à M. Joulin, l’envoi de raies, ces poissons plats — dans la Garonne. Cependant, le président de la Société des pécheurs consentit a envoyer les raies demandées, mais, tandis que M. Joulin ne voulait accorder que la « raie facultative », les goujons exigeaient la « raie obligatoire. »

Les pourparlers furent rompus.

Les pescofis pourront se rattraper sur la pêche aux moules artificielles dont on va peupler le fleuve et le canal du Midi. Ces sortes de mollusques sont fabriquées avec de la colle de peau étirée et salée au jus de pipe. Elles sont jaunies par l’haleine de douze vieilles concierges…

Oh ! la science ! Ça vous fait tomber les cheveux !…

M. Jarousseau, l’inspecteur de la police municipale, cherche tous les moyens de perfectionner la tenue de son personnel. On dit qu’il va changer maintenant la coiffure des sergents de ville.

Il paraîtrait que la visière du képi serait mise par derrière parce que cela les empêche de voir les malfaiteurs lorsqu’ils sont par devant.

Le nombre des étrangers venus pour assister au Championnat était si grand que la plupart d’entre eux ne purent trouver de gite.

Pour notre part nous connaissons un monsieur et une dame qui logèrent dans une contre-basse. Leur fille coucha dans un violoncelle. Depuis ce moment, celle-ci pousse des soupirs en fa dièze.

L’Association symphonique va s’occuper de ce cas exceptionnel.

Dans les milieux artistiques on croit que si la jeune fille voulait se laisser frotter avec de la colophane, on finirait par lui faire jouer des morceaux classiques, mais il faudrait lui gratter les pieds.

Fantasio.




PREMIER AVRIL



La journée du Premier Avril fut féconde en événements de toute sorte ; qu’on en juge :

MM. Bedouce et Ellen-Prévot ont avisé la questure de la Chambre qu’ils abandonnaient un trimestre de leur indemnité parlementaire pour acheter un aéroplane à l’armée ; l’appareil s’appellera : « la bulle de savon ! »

M. Raymond Leygues a passé une partie de l’après-midi à faire lui-même un grand discours politique sur la situation municipale ; on ignore où et quand il le prononcera.

— Les employés municipaux, réunis en assemblée générale, décident de refuser à l’avenir toute gratification qui ne serait pas justifiée.

L’administration est très embêtée.

M. Aché a fait parvenir au Maire de Toulouse une lettre par laquelle il s’engage à ne plus faire d’opposition aux différents projets soutenus par la municipalité !

M. Vergnes, adjoint délégué aux pompes funèbres, pris d’un accès de gaieté inattendue à la suite d’une discussion sur la proportionnelle, a ri pendant près d’une heure ! (sous toutes réserves.)

M. Roger, secrétaire général de la mairie, a déclaré qu’il n’accepterait plus aucune espèce de décoration avant le renouvellement du Conseil municipal.

M. Paul Feuga, ayant découvert la Joconde dans le sous-main de son chef de bureau, s’est empressé d’en informer M. le sous-secrétaire d’État aux beaux arts, en l’appelant « mon cher collègue. » Il a réclamé, en outre, les diverses primes attachées à cette découverte pour en verser le montant dans la caisse du Cri de Toulouse.

Sincères remerciements.

La société de « la Sorgue et du Tarn », qui vient d’obtenir la concession de l’éclairage électrique municipal de Toulouse, nomme le citoyen Pataud président de son conseil d’administration ; c’est lui qui sera chargé de l’extinction des feux.

M. Jarousseau décide de se présenter aux prochaines élections municipales et de constituer une « liste de Sûreté », dont le programme porte :

1o Tous les jours, abondantes distributions de « pains. »

2o Suppression des passages à niveau et rétablissement des passages à tabac.

3o Épuration des eaux potables, ainsi que de la rue du Canal, par l’Ozone.

4o Organisation rationnelle de l’enseignement musical ; suppression radicale du « piston », séances de « violon » à toute heure de jour et de nuit.

Maxim.




JULIANO ROPIQUET


Le Figaro, annonçait jeudi dernier que M. Juliano Ropiquet le professeur de chant bien connu était mort la veille à Paris, à l'âge de 87 ans. Voici à son sujet un souvenir bien intéressant.

Le vieil artiste était en 1903 en villégiature à Luchon. Eugène Reynis lui fut présenté par ses amis Pédro Gaillard et Capoul qui racontèrent les nombreux succès que M. Ropiquet avait remporté comme ténor sur les principales scènes de l’Europe. Il a chanté aussi à Toulouse, ajouta M. Pédro, mais il ne s’en vante pas. Cependant il fit son premier début dans La Juive, au Capitole. Le public demeura d’abord très froid et attendant le deuxième acte pour le juger. Au moment ou Eléazar venait de se lever pour l’air de la Pâque, un