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Page:Le Cri de Toulouse 1912-04-06.djvu/5

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Joustic du parterre s’écria, « Ropiquet vous avez la parole ! ».

L’artiste absolument décontenancé ne put pousser une seule note et ce fut un autre qui termina l’opéra d’Halévy. Et voilà pourquoi M. Ropiquet n’aimait pas à parler de Toulouse.




PETITS ÉCHOS

— Nous aurons, paraît-il, une séance de boxe en plein air aux Arènes des Amidonniers.

— En plein air ! Et s’il pleut ?

— Eh bien ! les boxeurs feront des « rounds » dans l’eau…

— Je me suis offert à Saint-Simon une habitation qui défie les cambrioleurs… C’est une villa…

— Gardée par des chiens ?

— Mieux que cela… Elle est en ciment armé.

— Bizarres, ces bandits de la rue Ordener !

— Vous trouvez ?

— Assurément… Pour commettre leurs méfaits ils se font un « jeu de l’auto. »

— On a surnommé les Stadistes Toulousains les « diables rouges. » Pourquoi des diables ?

— À cause de leur résistance physique. Ils prouvent, en effet, dans les rencontres sportives qu’ils ont toujours été « os en fer. »

— À qui pourrait-on élever un monument à la gloire du Foot-ball ?

— Tiens ! à Montesquieu, Au dix-huitième siècle, il fut l’auteur d’un « Essai. »

Un de nos artistes lyriques tend sa tabatière au confrère Fournez.

— Mais vous n’y songez pas lui fait observer le spirituel journaliste. Vous voulez donner « prise » à la critique ?

Entre sergots, à la suite du concert au profit de la caisse de la police.

— Belle musique cette Navarraise. Où ça se passe ?

— Sans doute que ça se passe :., à tabac.

— Bel orchestre aussi ! Dis donc, pourquoi que l’on appelle le « bloc », le violon ?

— Parce que du temps des Capitouls on y était conduit par des « archets. »

Au Jardin des Plantes.

L’écolier et sa maman.

L’écolier — Tu sais, maman, que l’on va mettre un chameau ici. C’est une bête qui travaille huit jours sans boire…

La maman — Ce n’est pas comme ton père. Il boit pendant huit jours sans travailler.

Fantasio.


L’Œuf de Pâques

Quelqu’un de bien étonné, fut ce brave homme qui, pensant découvrir le futur maire dans son œuf de Pâques, constata, non sans stupéfaction, que la question se complique et ne se résout pas.

Que dirait-il s’il connaissait les projets de M. Bedouce et sa violente altercation avec M. Rieux ?…




LA VIE SPORTIVE
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NOTES D’UNE SPORTSWOMAN

Quelle étrange passion ! Nous étions plus de douze mille autour du terrain, suivant, anxieux, convulsés, crispés, les yeux hors de la tête, les phases angoissantes de la partie. Nous n’avons rien perdu ; nous avons poussé, couru, roulé, avec nos joueurs ; nous avons partagé avec eux les mêmes transports, les mêmes ardeurs : Nous avons épuisé la coupe jusqu'à la lie !

Et, malgré cela, dès le soir, Nous nous sommes, tous, précipités sur les comptes rendus des Quotidiens ; le lendemain nous avons ouvert avec précipitation les Journaux de Bordeaux ou de Paris, et, toute la semaine, ce fut la même rage à rechercher à travers journaux, revues ou magazines, les quelques lignes, les images, les photogravures qui nous feraient revivre les émotions de cette palpitante partie.

Je suis convaincue que si je recommençais à mon tour, dans ces colonnes, le compte rendu que vous avez lu et relu, que vous savez par cœur, vous le liriez encore ! Je crois que, moi-même, je lirais mon propre article avec une avide curiosité ! Nous sommes fous, vous dis-je !

Eh ! non ! nous ne sommes pas fous ! Nous avons simplement ce que Faguet appelle l’âme dionysiaque. « Nous aimons surtout la vie, la vie forte et surabondante, puissante et joyeuse, exaltée et triomphante ».

Nous avons, en même temps, l’âme apollinienne, car nous aimons aussi, avec passion « la beauté, la pureté de ligne, la noblesse des attitudes, la majesté du front et la sérénité du regard ».

Vous allez me dire ; La noblesse des attitudes, dans une mêlée écrasée ! la majesté du front, lorsque comme Mariette et Servat, on l’a troué et plein de sang ! la sérénité du regard, quand on a les yeux injectés, jaillissant des orbites, dans des faces convulsées !

Ah ! taisez-vous ! Béotien ! Vous avez l’esprit vaseux d’un ignorantin ! Vous ne comprendrez rien jamais à Nietzsche lorsqu’il célèbre les Olympiens, « ces êtres supérieurs, à la fois puissamment vivants et noblement beaux, exaltés dans la joie de vivre et dans la volonté de vivre, insatiables de vie et en voulant pour l’éternité, et voulant une vie éternellement inépuisable ; ces êtres qui se complaisent en eux-mêmes et dans une indéfinie progression de beauté en eux, ces êtres qui réalisent la beauté et qui s’appliquent à la réaliser toujours davantage ! »

Quelle manifestation de vie plus belle que le foot-ball ? Quel épanouissement de beauté plastique plus pur, plus rayonnant que le rugby ? Quelle source d’enthousiasme plus féconde que le spectacle de dimanche !

Merci à vous tous qui, pendant six mois, avait fait passer en nous le grand frisson de vie, et exalté nos aspirations vers la beauté triomphante ! Merci du couronnement merveilleux qui termina votre œuvre ! Merci de nous avoir donné la vision inoubliable de votre volonté toujours victorieuse, de votre courage toujours indéfectible, de votre effort toujours irrésistible !

Et puis… Ah ! mais, la barbe ! J’ai l’air de faire un discours de distribution de prix. Non, disons tout simplement les choses, et de tout cœur, bien sincèrement, félicitons nos quinze stadistes de leur beau succès. Ils sont tous, sans exception, de braves, de valeureux jeunes gens. Dans la ligne d’avants, il n’en est pas un seul qui n’ait été splendide, et les demis, et les trois-quarts, et l’arrière, ne le cédèrent en rien aux avants. Ils furent, tous, plus courageux et plus résistants que leurs adversaires ; ils furent aussi, plus scientifiques. Oui ! quelque extraordinaire que cela puisse paraître, j’emploie très volontairement ce mot, scientifiques. Ils surent imposer leur tactique et cette tactique fut plus complète, plus variée, plus savante que celle des Parisiens.

Vous rappelez-vous avec quel dédain les journaleux de la Capitale parlaient, autrefois, de nos coups de pieds suivis et de la course échevelée après le ballon ? Eh bien ! et le Racing, qu’a-t-il fait d’autre ? C’est tout ce que ces messieurs ont su nous faire voir, deux coups de pied de déplacement sur l’aile, un point, c’est tout.

Leurs avants ne savent pas se tenir en mêlée. Vous avez vu leur paquet ? Il était en dos d’âne, tandis que le nôtre, bien plus bas, était d’un niveau égal. Aussi, sous la poussée de nos hommes, patratas, le bloc parisien s’effritait.

Leurs demis furent nettement inférieurs aux nôtres, et leurs trois-quarts, leurs fameux, splendides, célèbres, internationaux trois-quarts, je ne voudrais changer n’importe lequel des nôtres contre n’importe lequel des leurs.

À leur propos, laissez-moi regretter qu’on n’ait nulle part, surtout dans la presse locale, félicité nos trois-quarts centre comme ils le méritent. Jauréguy et de Fozières ont eu une excellente presse. Il n’en est pas de même de Moura et de Moulines, et c’est injuste. Ils avaient en face l’un et l’autre deux trois quarts très réputés. Dites-moi, je vous prie, ce qu’a fait Burgun devant Moura ? Rien. Dites-moi combien de fois Lane a passé ou séché Moulines ? Jamais. Peut-être Moura fit-il une faute en ne passant pas à temps à Jauréguy et fit-il ainsi perdre un essai. C’est la bien peu de chose et on ne devrait pas, pour si peu, oublier tout ce qu’il fit de bon.

Quant à Moulines, il nous a si bien habitués à des prouesses merveilleuses que quand il n’en fait pas, des tas de gens ont l’air de se considérer comme volés ! Il faudrait qu’à chaque partie il réussisse quelques-unes de ces échappées foudroyantes qui toujours se terminent par un essai.

On ne lui tient pas compte de sa défense impeccable. On ne lui sait pas gré d’annihiler le trois-quart centre le plus fameux de toutes les équipes françaises ! Je suis sûre d’une chose, c’est que si à chaque partie, durant toute la saison, on avait donné une côte à nos trois-quarts, c’est Moulines qui, par sa parfaite régularité, arriverait, et de beaucoup, au plus fort nombre de points. Ajoutons encore, à sa louange que si son ailier a obtenu les résultats que nous l’avons vu obtenir cette année, c’est à son centre qu’il le doit. De Fozières ne me démentira pas.

Mais voilà, en l’honneur de Moura et de Moulines une bien longue digression. Revenons notre énumération et pour terminer disons que Dutour continue à être l’arrière prodigieux que la France et l’Angleterre admirent à si juste titre.


La justesse de mon pronostic.

Vous vous souvenez que dans mes dernières notes j’avais pronostiqué la victoire du Stade Toulousain par 15 points a 3.

Quelques esprits superficiels (Dieu qu’il y en a !) se sont irrévérencieusement gondolés à mes dépens, parce que le Stade a triomphé de 8 a 6.

N’en déplaise à ces esprits superficiels, mon pronostic donne plus que le score final une idée exacte de la partie. Je ne me baserai pas sur l’opinion de Giaccardy qui a déclaré qu’entre le Stade Toulousain et le Racing, il y a une différence de 4 essais, ni sur l’opinion de Lane, qui, en sortant du terrain, a dit : « Nous pouvons nous estimer bien heureux que le Stade n’ait pas marqué deux fois plus de points contre nous ! »

Non, je m’appuierai sur des faits, que tout le monde a vus et contrôlés.

J’avais annoncé un essai d’avants. Oui ou non, cet essai a-t-il été marqué ? Bergé n’a-t-il pas touché le ballon dans les buts parisiens ?

J’avais annoncé un essai de Jauréguy ? Il me semble qu’il y fut. De même la transformation en but de Dutour.

J’avais compté sur un essai de Moulines. Notre brave Maysso le lui a chipé ; mais il y est tout de même.

Quant au drop-goal du même Mayssonnié à quoi a-t-il tenu qu’il y fut. Au moment précis où notre demi d’ouverture se tournait face aux poteaux et allait donner son coup de pied, v’lan, un coup de sifflet de l’arbitre l’a arrêté ! Le soir, Mayssonnié me disait : « Comme il y partait bien celui-là, entre les poteaux ! Vous savez qu’on le sent très bien lorsqu’on va le réussir. Je vous prie de croire que celui-là, sans ce maudit coup de sifflet, nous aurait bien valu quatre points ! »

Vous le voyez, ô esprits superficiels, mon flair de sportswoman vaut bien un flair d’artilleur. J’avais prévu assez juste et, lorsqu’on songe qu’à Paris, qu’à Bordeaux tout le monde annonçait la victoire du Racing, lorsqu’on songe qu’à Toulouse même, certains chroniqueurs sportifs annonçaient la défaite du Stade, ma prophétie n’est pas déjà si banale !