Page:Le Dantec — L'Athéisme.djvu/119

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serai un autre assemblage différent du premier, et cette différence se traduira, si mon enveloppe extérieure n’a pas suffisamment varié, par le changement considérable introduit dans mes pensées, dans mon mécanisme cérébral. La continuité entre ces deux états différents est établie par la mémoire, grâce à laquelle des états passés de l’individu sont représentés dans son état présent, grâce à laquelle on peut employer le mot je pour représenter ces organismes différents. Je est immortel, fatalement[1].

Une fois qu’on a compris cela, si l’on veut bien admettre que la mort consiste à cesser d’être ce qu’on est, on ne doit plus avoir aucune peur de la mort finale, car, au point de vue subjectif, on meurt à chaque instant[2], et la mort définitive qui est la mort objective n’est pas plus importante, subjectivement, que les autres.

L’athée sachant combien il est caduc et qu’il cesse, à chaque instant, d’être lui-même, ne saurait donc avoir peur de la mort.

Je ne dirai pas pour cela qu’il ne redoutera pas la douleur qui accompagne la mort ; c’est une autre question. On a peur de se faire arracher

  1. J’ai longuement étudié cette question dans Le Conflit. Armand Colin.
  2. Il ne faut pas confondre cette manière de parler avec le paradoxe de Claude Bernard « la vie c’est la mort ». Il s’agit, pour Claude Bernard, de mort objective.