cience de ce phénomène de premier ordre qu’est votre pensée. Vous avez agi sur moi par des phénomènes, et il m’est indifférent que vous ayez été conscient de ces phénomènes ; je n’en suis pas sûr d’ailleurs et je n’ai aucun moyen de m’en assurer ; je n’aurai jamais, scientifiquement, le droit de l’affirmer ou de le nier ; cela n’a donc aucune importance, et j’essaierai de vous en convaincre tout à l’heure.
Pour le moment, laissez-moi déplorer avec vous que notre conscience ne soit que ce qu’elle est ; cela me chagrine autant que vous-même, mais ce chagrin ne va pas sans quelque compensation.
Voltaire raconte qu’un crocheteur borgne, ayant bu de l’eau-de-vie, fit un rêve délicieux : transformé en prince charmant, il éprouvait une passion violente pour la plus accomplie des princesses et le lui démontrait de toutes ses forces, à la manière des crocheteurs. Tiré brusquement de son sommeil, Mesrour se retrouva crocheteur et borgne comme devant, et il en eût beaucoup de chagrin. Peut-être eût-il connu, s’il avait rêvé plus longtemps, que les pénibles devoirs des princes et les douloureuses coquetteries des princesses rendent souvent enviable aux puissants l’humilité insouciante du crocheteur ; il s’éveilla trop tôt et n’eût que du regret, sans compensation aucune : il se remit donc à boire de l’eau-de-vie.
J’ai vécu, toute ma jeunesse, un rêve analogue