Aller au contenu

Page:Le Disque vert, année 1, n°1 et 2, mai-juin 1922.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voie de l’autre côté du fossé à son camarade pointeur qui, si l’oiseau se pose un instant, ne lui laissera même pas avaler une gorgée.

Dans la plaine brune aux teintes d’aquarelle et où les sillons font comme des flèches, de temps en temps la courbe d’un vallon semble pétrifiée, et le soleil adolescent et rose est en retard avec son plaintif rayon horizontal.

Épouse, lève-toi, dénoue la guirlande de ton corps si doux dans les ténèbres, entrouvre les yeux, reconnais les meubles fortement membrés de la villa qu’on t’a prêtée, et vois aux murailles la blancheur insolite.

Commençons notre année en défiant le vent du nord qui ronfle avec sa chute de neige.

Allons le surprendre au repaire, à peine né, blotti entre deux cîmes roses.

Comme il souffle serré. comme il perce des mille aiguilles du froid, comme il nous entraîne dans les longs bastions qu’il a dressés.

Il doit secouer la paresse des vieux nuages entêtes. mettre en déroute le troupeau timide que le sirop essaie d’insinuer à étapes nocturnes ; il doit balayer trois cent milles d’une montagne à l’autre pour composer sans une tâche le ciel hivernal si limpide.

Et nous. femme, devons-nous récréer, chaque jour, dans l’amour, relever chaque jour le pavillon de la maison. nous écouter à nouveau. différents. dans la vérité de la douleur ?

Enfants, nos enfants, nous vous offrons, comme deux durs glaçons, nos cœurs ardents.

PIERO JAHIER.

(Traduit de l’italien par Mme junia Letty).