Page:Le Disque vert, nord, tome 2, 1922 - 1924.djvu/807

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vie sexuelle ; c’est un fait et qu’on n’aille point nous chercher des querelles de mots. Les mots ne savent plus effrayer car déjà nous les voulons dominer afin de pouvoir préciser le changement (dans les idées, la vie, les mœurs) marqué par leur évolution.

Si nous disons vie sexuelle au lieu d’Amour, c’est que nous nous méfions de la grandiloquence, c’est que nous voulons n’être pas dupes. Nous avons peur du romantisme, de son enthousiasme, de sa confiance, même lorsqu’ils tiennent en deux syllabes. Compensation : il nous faut prendre l’air de ceux qui savent. Que Daphnis et Chloé parlent d’amour : ici, à cette heure, nul n’est innocent ; nul ne le veut paraître ; et celui qui se croit averti pose bientôt à l’indifférence.

Or, si nous nous jugeons trop bien informés pour nous laisser aller tout simplement à l’Amour, Freud n’est-il pas un peu le responsable ? Faut-il, au contraire, espérer beaucoup de sa clairvoyance ?

En tout cas, on doit le dire, alors même que la froideur, la perversité négligente seraient, chez la plupart, feintes, il est à noter que les jeux sexuels, dont la curiosité tient lieu de passion forte et ignorante d’elle-même, ne se jouent pas impunément.

J’envie parfois M. Jourdain ; pourtant, lorsqu’on m’apprit à distinguer vers et prose, je n’avais pas encore l’âge d’en souffrir ; mais je me rappelle ma stupeur le jour où me fut dénoncé, voisin de l’être que je me croyais, visible et bien défini, son jumeau, mon