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Page:Le Disque vert, nord, tome 2, 1922 - 1924.djvu/808

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jumeau de velours, vague, insaisissable et fuyant, un étranger vêtu de noir.

Qui me ressemblait comme un frère.

Qu’on ne s’étonne point si, voulant parler de la psychanalyse, j’ai d’abord cité Molière et Musset plutôt que Proust ou Dostoïevski, exemples classiques. J’aurais tout aussi bien invoqué Aristophane, Corneille ou Pétrus Borel, si quelque souvenir m’en était venu. Je partage avec la majorité de mes contemporains la manie de reconnaître à chaque coin de phrase la présence de l’inconscient, la présence de l’instinct sexuel ; ainsi a-t-il été de mode, suivant les années, de découvrir à tous les tournants des pickpockets, des vitrioleurs, des fétichistes dangereux. Au reste, l’explication psychanalytique ne vaut que si lui est accordée une portée générale : d’où sa grandeur quasi panthéiste et le secret de sa force. On l’a parfois comparée à la clef des songes ; pour moi, je serais plutôt tenté de la croire pince-monseigneur, capable d’ouvrir toutes les portes ; mais tel est le besoin de se contredire soi-même qu’il me semble déjà ne lui reconnaître une puissance si générale que pour en mieux douter ; je me rappelle, en effet, que les sectes les plus archaïques, les religions les plus improbables ont toujours cru entrer partout de plain-pied.

Freud, suis-je donc bien en état de grâce psychanalytique ? Souvent, j’en veux à votre dogme car une voix me parle qui n’est ni de la raison ni du cœur : une conviction quasi physique m’engage à douter de toute intelligence et même de la vôtre, à penser que