seule espèce, de plantes, et je n’assurerais pas que ce
fût du blé. Nous ferions, je le crains, renchérir le fourrage,
et les bergers pourraient bien, comme leurs
troupeaux, faire la moisson à quatre pattes.
Nous avons eu déjà l’audace de relever ailleurs quelques-unes
de ces bonnes et gaillardes locutions du
moyen âge, maladroitement excommuniées par le pape
Malherbe et ses clercs. Nous avons tâché à notre tour
d’excommunier le pape, et nous n’attendons que l’occasion
pour fulminer notre bulle : le tonnerre est tout
prêt. Nous avons pleuré, je ne sais combien de larmes
inédites, sur notre vieux langage, un peu rêche, un
peu grossier peut-être, mais si vaillant et si robuste,
que nos infaillibles ont moins châtié que châtré. Puis,
comme tous ceux qui pleurent, nous avons fini par
prendre notre parti : et nous nous sommes établis dans
notre deuil, de manière à y songer le moins possible.
Aujourd’hui, si vous le permettez, nous allons changer
de chagrin. On ne peut pas toujours s’affliger de la
même chose : cela deviendrait désolant. Après avoir
regretté l’idiome défleuri de nos pères, cet idiome leste
et ingambe, que nous avons remisé aux incurables, nous
allons regretter ce qu’ils en faisaient. Il n’est rien de
tel, pour s’amuser, que de varier ses gémissements.
Ne froncez pas les sourcils, mon cher Flavien, et ne montez pas sur vos grands chevaux académiques pour foudroyer mes blasphèmes. Je ne suis pas si impie que j’en ai l’air. Je veux bien me résigner à parler comme tout le monde, mais je ne me résigne pas à dire les