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Page:Le Fèvre-Deumier - Le Livre du promeneur ou Les mois et les jours, 1854.djvu/184

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placent les peintures élégantes des vieux maîtres de Flandre ou d’Allemagne, les soyeuses arabesques brodées par l’aiguille des châtelaines, les pieux émaux de Byzance, ou les trophées d’armes de nos pères. Seul témoin d’une antique splendeur, une glace fêlée et ternie par les ans surmonte encore, dans ce palais vermoulu, les restes d’un foyer depuis longtemps éteint. Elle n’a rien gardé des tableaux qui s’y sont reproduits, des regards, des sourires, des parures ou des larmes qui l’ont consultée. Tout a passé sur elle sans y laisser plus de traces que l’ombre volante d’un nuage sur l’herbe qu’elle effleure. Elle a tout oublié ; mais elle parle encore de tout au pèlerin qui l’interroge. Le poète rêve à côté d’elle comme auprès d’une source vide, dont il entend, dans son esprit, gazouiller les ondes disparues. Quel changement, mon Dieu ! depuis le jour où Venise l’envoya dans ces murs ! Au lieu de ces richesses dont elle doublait l’éclat, du luxe coquet de la gaieté dont elle répétait les images, ce n’est plus que le ravage et la désolation qui s’y mirent. Seulement, le soir, à travers les combles entr’ouverts, ou les cassures des vitraux, malgré le voile trouble et poudreux qui la recouvre, elle réfléchit, avec le deuil d’alentour, la pâleur voyageuse de la lune, et les astres immobiles. Ce sont comme les rayons d’une lampe, qui pénètrent dans les fissures d’un tombeau, pour n’y éclairer que des cendres. Moi je ressemble. dans mon abandon, à ce vieux castel