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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

lui. Ses gestes étaient rares, à lui pourtant qui pouvait être tenté d’y recourir à cause de sa pauvreté de langage. Et ils tiraient de leur rareté même leur force.

Sa voix était merveilleuse de douceur profonde et aussi de force cachée, de richesse confuse dans laquelle elle ne savait choisir. Elle ne comptait pas par les mots, qu’elle effleurait plutôt qu’elle ne les prononçait, mais par les inflexions. L’âme respirait en elle. L’angoisse qu’elle révélait parfois était émouvante comme un cri d’appel dans la nuit. Jamais voix humaine n’avait contenu tant de signification. Ève ne pouvait s’en lasser.

Il apportait, dans l’accomplissement des actes les plus simples de l’existence journa­lière, une gravité, une application, une sorte de joie contenue. Il se donnait tout entier à l’occupation du moment. Dresser les bûches dans le foyer pour en tirer le plus de flamme et d’étincelles possible, apporter l’eau de la citerne sans en répandre une goutte sur le plancher poli étaient un art. Remuer ses doigts créateurs, émettre tout haut une exclamation, présenter son visage au vent de mer, sur le seuil de la porte, contenaient de la joie.

Il y en avait une autre plus obscure et plus profonde qui mettait autour du cœur