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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

sur l’épaule, ou descendant les rochers por­tant le seau avec lequel on puisait de l’eau à la citerne. D’autres fois, il semblait se réveiller brusquement sur la route, refer­mant la main sur l’argent qu’Ève lui avait remis pour quelque achat dans une boutique. Il entendait encore le son de sa voix à la barrière, les instructions à mots détachés, brefs, légèrement impérieux, vite coupés de rires clairs, qu’elle venait de lui donner. Mais quelque effort qu’il fît, il ne pouvait se rappeler de quoi il s’agissait. Sa mémoire s’empressait de recouvrir de terre tout ce qu’on lui confiait. Il savait maintenant qu’il se fourvoyait encore, qu’il avait oublié. Et de s’en rendre compte était un progrès.

Il savait aussi qu’au lieu d’aller terrible­ment devant lui, comme jadis, en bête per­due, il fallait revenir vers Ève qui rirait gaîment de son oubli et qui lui répéterait sans impatience ses instructions. Elle le remettrait dans la voie.

Il sentait bien qu’elle était le fil conducteur dans les méandres curieusement changeants du chemin.