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XIX


C’était l’anniversaire de l’armistice. La Toussaint déjà passée revenait sur la terre. Elle avait quelque chose de surnaturel. Les morts retournaient sur leurs pas pour frapper à la porte de la mémoire une seconde fois. Et les vivants ouvraient avec crainte.

Il tombait depuis le matin une pluie molle et confuse qui ressemblait à des pétales emmêlés de chrysanthèmes. Ève avait voulu sortir malgré le mauvais temps. Une boue gluante couvrait les sentiers. La terrible nostalgie de la neige la reprenait. Le pays de cristal, si lointain maintenant, tintait à ses oreilles comme un lustre immense. Et ses narines croyaient respirer l’odeur fondante et lustrale de la neige, pollen miraculeux répandu dans l’air. Elle évoquait les soirs de ciel rouge et gonflé, rempli de bruissements soyeux, comme si