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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/142

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

— Nous devons avoir devant nous un blessé de guerre. Je connais des cas de traumatisme semblable. Pourtant, il n’a rien du soldat de chez nous. On dirait plutôt le type Scandinave. À moins… Regardez cette mâchoire. Ils en ont comme cela en Angleterre. En tous cas, un vrai Northman.

Un peu mal à l’aise sans savoir pourquoi, elle détourna la conversation. Que lui importait le passé de Grand-Louis ? Elle l’accueillait dans sa vie tel qu’il était, sans rien savoir de lui, pas même son nom.

D’où venait-il ? Ève trembla. Elle avait mis fin, instinctivement, à l’épreuve des photographies, après que la vue d’un uniforme eut produit chez lui un tel trouble. Elle se souvint que le bruit courait qu’il était apparu à Port-Navalo vers le milieu de la guerre, portant du linge d’hôpital sous un manteau militaire dont les gens n’auraient pu dire l’origine. Comme les gendarmes ne l’inquiétaient pas, les femmes qui avaient leurs fils au front ou dont les maris couraient la rude aventure de la guerre sur mer, en conclurent qu’il était, comme elles disaient, « en règle ».

Ève se rappelait… Qui sait si des portraits de femmes et d’enfants n’eussent pas ramené à la surface les souvenirs sombrés ?