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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

temps des incursions dans un domaine trop intime, et il fallait être sur ses gardes.

Ève eût représenté pour lui une aventure d’arrière-saison souhaitable. Elle était au-dessus de l’opinion : il ne courait pas le risque de la compromettre. Si elle avait accepté ses attentions, elle n’était pas femme à rejeter la responsabilité de ses actes.

Ce qui l’avait tenu dans le chemin de la vertu, depuis qu’il habitait Port-Navalo, était la crainte des scandales, des réclama­tions ou des jérémiades. Il veillait avec soin à ce que le repos de sa vie égoïste ne fût pas troublé. Cette préoccupation se lisait sur sa physionomie. Il avait toujours l’air de regarder à travers des persiennes pour voir si quelqu’un dans la rue ne menaçait pas sa quiétude.

Rien n’échappait à Ève de ses manœuvres où la hardiesse se mêlait à la prudence, où la brutalité des desseins se cachait sous la courtoisie des paroles, où une déclaration qui l’eût engagé finissait bien vite en plai­santerie.

Quand il comprit que son ambiguïté de propos, de regards, de gestes et en somme d’intentions, ne le mènerait à rien, il aban­donna la tactique. Il était philosophe. Cette femme intelligente, vivante, d’esprit original, était une précieuse relation dans