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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/181

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

Grand-Louis était le dieu lare de son foyer, la statue parfaite qu’un miracle avait soumis à son adoration. Il ne dépendait que d’elle que le dieu demeurât inviolé, la statue in­tacte. Il était si facile de détruire ! Il y avait déjà tant de ruines dans le passé.

Mais à présent ses mains fortes et sages s’élevaient dans un geste de protection au­ tour de son cœur qui renfermait le précieux trésor.

Et c’est pourquoi, lorsque l’homme trou­blé et balbutiant se jetait vers elle, Ève faisait appel, pour le repousser, à toute sa frayeur, à toute sa certitude de gâter par trop de précipitation une œuvre parfaite.

Il n’était pas prêt. On voyait trop, à ces moments-là, s’avancer dans l’espace de ses yeux l’âme de la louve blanche.

Elle avait longtemps cru qu’il serait facile d’aller à lui, de lui mettre les mains sur les épaules et de dire : « Grand-Louis, il est l’heure. »

C’était bien la parole qu’elle prononçait chaque soir, qu’il lui arrivait même de répé­ter machinalement après elle. Mais ses lèvres deviendraient de marbre plutôt que de leur donner, elles, une signification diffé­rente, celle qu’elle attendait.