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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/42

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

Il se tourna vers elle :

— J’ai faim.

Comme elle ne répondait pas, il vint lui toucher légèrement l’épaule.

— J’ai faim…

Il y avait dans sa voix une douceur plaintive mêlée de reproche.

— Moi aussi, Grand-Louis. Mais il n’y a pas de souper ce soir…

Elle s’attendait à ce qu’il demandât pourquoi. La question ne vint pas. Alors elle le prit par le bras, le mena au buffet qu’elle ouvrit, et qui était vide :

— Plus de pain, plus de viande, plus de poisson.

Elle l’entraîna ensuite devant le tiroir où s’éparpillait d’habitude l’argent des dépenses quotidiennes.

— Vous voyez, plus d’argent. Vous comprenez, n’est-ce pas, Grand-Louis : l’argent est fini. Il n’y a plus rien à manger.

Ce mot d’argent qu’elle choisissait à dessein ne frappait pas son oreille. Il ne voyait aucun rapport entre l’argent et ce qui composait un repas. Il répétait comme un enfant, d’une voix désenchantée :