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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/74

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

si peu frileuse au dehors, ne pouvait sup­porter le froid humide de la maison, habituée qu’elle était aux intérieurs surchauffés. Les robes légères qu’elle portait faisaient tou­jours l’étonnement des femmes du pays. Aussi le feu flambait-il du matin au soir.

Dans ce pays dénudé qui d’animal terrien se transforme en bête marine allongée vers l’Océan, tout en arêtes et en écailles, le bois est rare. Des chênes qui bordaient les champs, il ne restait que des troncs émondés. Ceux qui finissaient par mourir, quoique gardant au faîte une couronne de feuillage, blancs et épuisés, avec un ventre creux et effrité, des nerfs encore durs comme de l’acier, noués dans la longue agonie, on les abattait. Chaque nœud formait une bûche qui mettait des heures à se consumer.

Grand-Louis s’était mis à déraciner de la lande et il rapportait des brassées de souches dont il bourrait le foyer, content de voir le visage d’Ève se réjouir.

Il fallait qu’elle s’occupât de ses vête­ments, dont il était extrêmement soigneux, mais qu’il n’aurait pas eu l’initiative de renouveler. Le mari de Vincente, un doua­nier, que son administration habillait, céda une longue pèlerine neuve qu’il ne pouvait utiliser, et après l’avoir mise sur les épaules de Grand-Louis pour l’essayer, il le regarda