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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/81

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

quelques chênes-verts isolés qui poussaient dans les landes ne se voyaient plus que comme les personnages d’une tapisserie usée. Le soleil était une pastille blanche et ronde suspendue dans le ciel, sans le moindre rayon. On avait un peu mal au cœur à le regarder. Le brouillard tombait, glacial, sur les épaules.

Elle regretta de s’être embarquée sans manteau. Sa robe de laine semblait boire l’humidité. Personne ne l’avait prévenue qu’il ferait froid en mer, et il ne fallait pas s’attendre à cette sorte de prudence de la part du pauvre Grand-Louis. Grand-Louis n’aurait jamais d’égards, Grand-Louis n’aurait jamais d’attentions pour une femme. Cela dépassait son entendement.

Lui n’avait pas froid, il ramait en sifflotant. Elle croisa les bras sur sa poitrine, décidée à lutter contre cette sensation de linge humide collé à sa peau. Ses dents claquaient et son visage était marbré de froid. Elle le tourna vers le large, se sentant prête à pleurer.

Il abandonna ses rames. En quelques en­ jambées il vint à elle, lui fit signe de se lever. L’étroite embarcation pencha et elle dut s’accrocher à lui. Elle ne comprenait pas son dessein.