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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/83

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

cadence des paroles. Sur l’accompagne­ment en mineur, elle composa un chant de joie.

Jamais elle n’avait éprouvé une telle im­pression de bien-être physique, de sécurité et de paisible contentement. Sa pensée flottait dans un demi-sommeil.

Une exclamation de Grand-Louis la fit se redresser. Une voile rouge louvoyait à quelque distance. Il y avait deux hommes à bord, à en juger par les deux voix alternantes. Ils étaient évidemment en retard et avaient grande difficulté à arriver jus­qu’au chenal. Il fallait trouver le courant, manœuvrer avec rapidité et adresse. Cha­cune de leurs brèves paroles arrivait dis­tinctement jusqu’à Ève, à travers le brouil­lard. Il semblait qu’elle fût prononcée à son oreille.

Enfin ils réussirent à s’engager dans le chenal. La voile triangulaire s’abaissa au moyen d’une poulie. Le plus jeune des deux hommes sauta sans perdre un instant dans la petite embarcation à la remorque qu’il se mit à vider.

— Ça va chauffer, dit l’autre en s’adressant à Ève et à son compagnon avec la simplicité d’un jardinier qui échange des propos avec son voisin, par-dessus la haie.

— Oui, si le brouillard se lève.